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Achta Hassan

     

Pour vous donner un clin d'œil sur la situation des femmes au Tchad, nous vous présentons quelques témoignages personnelles des femmes tchadiennes de la région du Guéra, tirés du livre "Là où habitent les femmes", éditée par Renée Johns et Rachel Bokoro du Comité Central des Mennonites, en 1993.

Nous nous sommes assises sur des nattes dans la case d'Achta alors qu'elle racontait son histoire en arabe tchadien, sa langue maternelle. Elle était restée à la maison ce jour pour parler avec nous et nous faire du thé. Achta a peut-être cinquante ans. Elle avait été malade les semaines précédentes et venait de perdre sa mère âgée, un mois auparavant. Elle vit dans une case au bord de la ville. Sa sœur et quelques autres parents vivent dans des cases voisines.
     Achta est toujours chaleureuse et amicale. Peut-être à cause de ce qu'elle a fait et l'expérience de vivre dans d'autres régions, elle va à la recherche de femmes étrangères et essaye de les amener à se sentir bien accueillies.

     Mon père était un marabout (enseignant islamique) important . Ma mère lui avait été donnée comme une offrande, comme disent les Musulmans traditionnels. Nous sommes originaires d'Abéché et descendants de l'Islam. Tous les gens de la localité avait peur de mon père à cause de sa réputation.
     J'étais mariée à chauffeur. Il était chauffeur du directeur d'un programme gouvernemental chargé de troupeaux de bétail. Nous nous sommes déplacés d'Abéché à Bokoro. Nous nous sommes installés là-bas pendant six ans. Jusque-là, je n'avais pas encore d'enfant. Mon mari avait d'autres femmes, pas publiquement mais en secret. Un jour j'ai parlé avec lui face à face et j'ai dit, "C'est mieux de se marier que de courir après les femmes. Tu risques d'avoir une maladie vénérienne et me contaminer." Il m'a répondu qu'il n'avait pas encore trouvé une femme qui lui plaisait.
     Peu après cela, alors que je me trouvais à N'Djaména, il a décidé de se marier à une femme du nom de Halimé. Notre voisin lui a demandé : "Peux-tu te marier à l'absence de ton épouse?" "Non," dit-il, "je suis en train d'attendre son retour et si elle approuve je me marierai avec Halimé. Si elle n'approuve pas, je renverrai Halimé."
     Dès mon arrivée il a commencé à me parler de cette femme. "Elle est très maigre," dit-il. "Que penses-tu d'elle?" A partir de ce moment j'ai envoyé mon serviteur amener la fille devant moi.
     J'ai répondu à mon mari : "C'est la souffrance journalière et le travail domestique qui la rend maigre. Elle n'est pas en mauvaise santé." Comme j'avais donné mon conseil favorable, il a décidé de la marier. Il m'a donné de l'argent pour acheter des habits et d'autres choses pour la dot. Plusieurs jours après nous avons célébré le mariage. Cela s'est passé dans ma maison. Après un moment Halimé a déménagé pour être dans notre concession et garder la maison. Mais j'étais toujours la personne responsable.
     Après cela, ma co-épouse a eu des enfants et mon mari a commencé à me mépriser. Il n'avait plus le désir de me regarder quand bien-même nous étions mariés déjà depuis 17 ans. Les enfants de ma co-épouse étaient habitués à rester avec moi et si quelqu'un venait dans la cour du dehors, il ne pouvait pas savoir que les enfants n'étaient pas les miens.
     Puis arriva ma belle-mère qui a commencé à me fuir, causant beaucoup de problèmes. Après sa deuxième visite, nous avons été affectés à Ati où elle vivait. Les problèmes ont continué. J'ai dit à mon mari : "Je vais aller vivre avec ma mère à Mongo. Je suis trop fatiguée de tous ces problèmes." J'avais beaucoup réfléchi à ce qu'il fallait faire. Je ne pouvais pas le tolérer. Nous avions vécu ensemble pendant 28 ans et je ne pouvais pas lui donner un enfant. J'ai quitté Ati pour Mongo.
     Pendant les troubles de 1979 (au début de la guerre civile), il n'y avait pas de salaire pour les employés fédéraux. Mon mari qui était un citoyen de la République Centrafricaine, était totalement sans fonds. Il m'a demandé de l'aider, d'aider Halimé et leurs enfants. J'avais un lit que j'ai vendu à 7.500 CFA (US$30 ou 32 €). Puis le Pasteur Ratou m'a donné un sac de mil. J'ai quitté pour Ati et j'y suis restée plusieurs jours. Ensuite, il a pu trouver du travail et il a envoyé Halimé à Mongo (la capitale du Guéra) pour toucher son salaire. Elle a pris l'argent et l'a utilisé pour ses propres besoins. Elle a même acheté de l'or. Elle a regagné notre mari avec 10.000 CFA (US$40 ou 43 €) seulement. Il était en colère et a regretté de m'avoir renvoyé. Il savait que je n'aurais pas fait une telle chose.
     Pendant la famine de 1984 et 1985, le Docteur Garsouk m'a trouvé un travail à la Croix Rouge où je devais distribuer de la bouillie préparée, chaude. J'ai assisté aussi, pendant une semaine, à un cours biblique organisé pour les femmes à Bitkine. Le docteur a oublié mon nom et m'a inscrite sous le nom de Achta Adoum au lieu de Achta Hassan, mais cela ne faisait rien en fin de compte. Ma sœur a accepté de distribuer la bouillie pour moi pendant que je fréquentais le cours biblique. La Croix Rouge nous payait chaque mois avec du pétrole, du lait et des graines.
     Je suis devenue une chrétienne en 1960 et je veux remercier tous ceux qui m'ont aidé spirituellement et matériellement. Je fais des paniers et je les vends pour me prendre en charge.

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  Pour le moment, la majorité des témoignages qu'on a pu recueillir viennent des femmes tchadiennes au Guéra. Les femmes tchadiennes partout dans le monde (surtout au sud et à l'est du pays, ainsi qu'à l'étranger) sont invitées à nous envoyer leur témoignage personnelle de ce que c'est vraiment d'être femme tchadienne...  
   

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