Esther et trois de ses enfants
ainsi que ses trois petits-fils habitent à la mission protestante de
Mongo. Esther a peut-être 45 ou 50 ans. Elle travaille durement dans
ses champs et à la maison. Elle est tranquille et douce avec un
sourire chaleureux. Elle est devenue veuve en 1987 quand son mari, son
premier fils et beaucoup d'autres hommes de la région ont été
saisis par l'armée de l'ancien président et tués.
Nous nous sommes assises sur des nattes dans sa cour pendant qu'elle
racontait l'histoire de sa vie. Elle nettoyait le mil tout en parlant
en Moukoulou. Elle parle aussi l'arabe tchadien.
C'est une joie
pour moi de vous raconter l'histoire de ma vie. J'étais née dans le
village Moukoulou. A cette époque, nous vivions sur les montagnes
pour éviter les vendeurs d'esclaves venus du nord-est. J'étais née
au moment de la famine. Nous avons mangé des feuilles comme il n'y
avait rien à manger. Mon père est allé jusqu'en Arabie Saoudite à
pied à la recherche du travail en compagnie de ses amis. J'avais neuf
ans quand il est revenu.
Mon père était idolâtre. Il avait deux
femmes. J'adorais aussi l'idole qui s'appelait Ra. Il était le dieu
de la pluie. Le dieu Ra était sur la montagne dans sa case et chaque
année nous devenions reconstruire sa case. Au début de la saison de
pluie nous faisions un sacrifice de chèvres et de bili-bili (boisson
traditionnelle). Dans sa case se trouvaient presque toutes les
différentes sortes de serpents. Le dieu Ra communiquait avec ses
adorateurs par l'entremise d'une femme, une prêtresse qui avait la
"vision". Je n'ai pas eu la vision de cette manière et je
n'en savais rien quand bien même j'avais adoré l'idole depuis mon
enfance jusqu'à avoir des enfants.
En ces temps-là il y avait aussi des
rebelles qui arrêtaient les gens. Notre chef de terre a aussi été
arrêté. C'était pendant la saison des pluies. On l'a amené à
Bitkine, une ville toute proche. Il ne pleuvait pas pendant son
absence. Les gens ont pensé qu'il n'a pas plu parce qu'il était
parti. C'est ainsi que le chef de la région est allé le chercher. La
pluie tombait à leur retour. Tout le monde était mouillé sauf notre
chef de terre. Puis il a cessé de pleuvoir. Les gens ont vu ceci
comme un signe et le chef de terre a cherché à connaître les causes
de son arrestation.
Ma sœur qui était prêtresse voulait me
faire du mal. C'est ainsi qu'elle m'a dit que j'avais la vision et que
j'avais empêché la pluie de tomber. J'étais par la suite arrêtée
par le chef de terre. J'étais alors attachée avant d'être battue.
Mais il n'y avait pas de pluie. S'ils avaient battu ma sœur, le dieu
Ra aurait pu voir la souffrance de sa fille et envoyé la pluie.
Je me suis donnée au Seigneur mais les
problèmes d'avant étaient encore là. J'étais ferme dans la foi.
Mais mes parents m'ont abandonnée. Je m'étais attachée à mon mari
et aux autres frères en Christ. Ma famille a aussi maltraité mon
mari et mes enfants comme elle m'a maltraitée. J'ai trouvé refuge en
mon Sauveur dans mes difficultés. Le missionnaire qui était à
Moukoulou a eu un accord avec le missionnaire de Mongo et nous avons
pu travailler à Mongo. C'était au début de 1974 que nous sommes
venus vivre et travailler à Mongo à la station missionnaire. Je sais
que Dieu voit ceux qui souffrent à cause de Lui. Il a fait des
miracles pendant mes difficultés. Les gens qui m'ont fait du mal sont
tous mort. Le chef de terre était tué par un coup de foudre pendant
qu'il se trouvait dans son champ. Mais jusqu'à aujourd'hui on m'a
interdite de toucher les enfants de mes proches parents du village.
J'ai eu huit enfants dont cinq fils et trois
filles. Quatre sont morts. Maintenant, j'ai deux garçons et deux
filles. Mon mari est mort en 1987.
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