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Guezione Esther Zeite

     

Pour vous donner un clin d'œil sur la situation des femmes au Tchad, nous vous présentons quelques témoignages personnelles des femmes tchadiennes de la région du Guéra, tirés du livre "Là où habitent les femmes", éditée par Renée Johns et Rachel Bokoro du Comité Central des Mennonites, en 1993.

 
 

Esther et trois de ses enfants ainsi que ses trois petits-fils habitent à la mission protestante de Mongo. Esther a peut-être 45 ou 50 ans. Elle travaille durement dans ses champs et à la maison. Elle est tranquille et douce avec un sourire chaleureux. Elle est devenue veuve en 1987 quand son mari, son premier fils et beaucoup d'autres hommes de la région ont été saisis par l'armée de l'ancien président et tués.
Nous nous sommes assises sur des nattes dans sa cour pendant qu'elle racontait l'histoire de sa vie. Elle nettoyait le mil tout en parlant en Moukoulou. Elle parle aussi l'arabe tchadien.

     C'est une joie pour moi de vous raconter l'histoire de ma vie. J'étais née dans le village Moukoulou. A cette époque, nous vivions sur les montagnes pour éviter les vendeurs d'esclaves venus du nord-est. J'étais née au moment de la famine. Nous avons mangé des feuilles comme il n'y avait rien à manger. Mon père est allé jusqu'en Arabie Saoudite à pied à la recherche du travail en compagnie de ses amis. J'avais neuf ans quand il est revenu.
     Mon père était idolâtre. Il avait deux femmes. J'adorais aussi l'idole qui s'appelait Ra. Il était le dieu de la pluie. Le dieu Ra était sur la montagne dans sa case et chaque année nous devenions reconstruire sa case. Au début de la saison de pluie nous faisions un sacrifice de chèvres et de bili-bili (boisson traditionnelle). Dans sa case se trouvaient presque toutes les différentes sortes de serpents. Le dieu Ra communiquait avec ses adorateurs par l'entremise d'une femme, une prêtresse qui avait la "vision". Je n'ai pas eu la vision de cette manière et je n'en savais rien quand bien même j'avais adoré l'idole depuis mon enfance jusqu'à avoir des enfants.
     En ces temps-là il y avait aussi des rebelles qui arrêtaient les gens. Notre chef de terre a aussi été arrêté. C'était pendant la saison des pluies. On l'a amené à Bitkine, une ville toute proche. Il ne pleuvait pas pendant son absence. Les gens ont pensé qu'il n'a pas plu parce qu'il était parti. C'est ainsi que le chef de la région est allé le chercher. La pluie tombait à leur retour. Tout le monde était mouillé sauf notre chef de terre. Puis il a cessé de pleuvoir. Les gens ont vu ceci comme un signe et le chef de terre a cherché à connaître les causes de son arrestation.
     Ma sœur qui était prêtresse voulait me faire du mal. C'est ainsi qu'elle m'a dit que j'avais la vision et que j'avais empêché la pluie de tomber. J'étais par la suite arrêtée par le chef de terre. J'étais alors attachée avant d'être battue. Mais il n'y avait pas de pluie. S'ils avaient battu ma sœur, le dieu Ra aurait pu voir la souffrance de sa fille et envoyé la pluie.
     Je me suis donnée au Seigneur mais les problèmes d'avant étaient encore là. J'étais ferme dans la foi. Mais mes parents m'ont abandonnée. Je m'étais attachée à mon mari et aux autres frères en Christ. Ma famille a aussi maltraité mon mari et mes enfants comme elle m'a maltraitée. J'ai trouvé refuge en mon Sauveur dans mes difficultés. Le missionnaire qui était à Moukoulou a eu un accord avec le missionnaire de Mongo et nous avons pu travailler à Mongo. C'était au début de 1974 que nous sommes venus vivre et travailler à Mongo à la station missionnaire. Je sais que Dieu voit ceux qui souffrent à cause de Lui. Il a fait des miracles pendant mes difficultés. Les gens qui m'ont fait du mal sont tous mort. Le chef de terre était tué par un coup de foudre pendant qu'il se trouvait dans son champ. Mais jusqu'à aujourd'hui on m'a interdite de toucher les enfants de mes proches parents du village.
     J'ai eu huit enfants dont cinq fils et trois filles. Quatre sont morts. Maintenant, j'ai deux garçons et deux filles. Mon mari est  mort en 1987.

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  Pour le moment, la majorité des témoignages qu'on a pu recueillir viennent des femmes tchadiennes au Guéra. Les femmes tchadiennes partout dans le monde (surtout au sud et à l'est du pays, ainsi qu'à l'étranger) sont invitées à nous envoyer leur témoignage personnelle de ce que c'est vraiment d'être femme tchadienne...  
   

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