Ruth, ou Am-Ratou, est une jeune femme, qui
travaille comme guide dans le développement rural. Elle n'a pas peur
de parler. Son apparence est frappante. Elle est grande de taille et
avec ses grandes pommettes et son joli teint elle rivalise les
mannequins de haute couture. Elle vint me trouver à la maison pour
parler puisque chez elle, elle est toujours occupée à prendre soin
des enfants et de beaucoup d'amies et voisines qui lui rendent visite.
Elle a parlé en français. Sa première langue est le Kenga mais elle
parle aussi l'arabe tchadien.
Je suis née en 1959 à Korbol. Je suis
l'aînée des enfants. Nous avons vécu à Korbol jusqu'à mon âge
scolaire. Mais les rebelles venaient de temps en temps maltraiter les
personnes et brûler les maisons. Un jour nous avons entendu des coups
de fusil et les villageois et nous-mêmes avons fui pour nous cacher
dans les montagnes. Chaque fois c'était comme ça. Mon père a vu que
cela était troublant pour les enfants, et nous avons déménagé à
Bitkine. Mon père continuait d'aller chaque jour à Borko pour son
travail parce qu'il était infirmier.
Quand mon père était jeune, il a rencontré
un missionnaire Suisse nommé Barh. C'est à cette période qu'il a
fait la connaissance du Sauveur et a commencé à vivre une vie
chrétienne. Puis il a épousé ma mère et ils se sont installés à
Korbol. Petit à petit ma mère aussi a fait la connaissance du
Sauveur. Ils sont tous les deux baptisés. Ils ont demeurés
chrétiens et restent fermes dans la foi.
J'ai rencontré mon mari lorsque nous étions
tous deux de jeunes personnes à l'église de Bitkine. Un jour, chacun
de nous a su que nous avions été choisis pour nous marier. Moussa,
mon mari, a grandi dans une famille musulmane. Il était venu à Mongo
pour aller à l'école et a vécu à l'internat de la mission
protestante. Là il s'est converti et est resté chrétien. Il est
maintenant un des pasteurs/ anciens de l'église. Notre mariage était
le premier mariage de toutes les églises qui sont dans les villages
autour de Bitkine. Nous avons invité les personnes de toutes les
églises qui sont dans les villages autour de Bitkine. C'était un
jour exceptionnel. L'église était pleine; et celles qui n'avaient
pas de places restaient dehors. Beaucoup d'autres personnes sont
venues observer par curiosité.
Après le mariage, mon mari était affecté
et nous avons quitté Bitkine pour N'Djaména, la capitale. C'était
en 1979, et la guerre civile avait commencé. Tout était bloqué. Il
n'y avait même pas de l'eau aux robinets. L'oncle de mon mari était
au Nigeria et nous avons décidé d'aller là-bas. Nous avons
traversé le Chari. J'avais mon bébé Ratou au dos et nous portions
nos biens sur la tête. L'eau était à ma taille. Beaucoup de
personnes allaient et venaient à travers le fleuve.
Nous avons vécu avec les gens de Kanouri au
Nigeria, en brousse. Les gens là-bas coupaient le bois, et de gros
camions venaient les ramasser pour les vendre à la grande ville de
Maiduguri. Toute personne était autorisée à avoir un terrain pour
cultiver, là-bas. C'était la raison pour laquelle nous avons choisi
cet endroit. La première année était difficile mais la suivante
était bonne. Le sol produisait bien. Et ma fille Nakoro est née là.
Il y avait aussi une famille tchadienne. Les gens étaient très
contents que nous soyons là.
Nous recevions de temps en temps des
nouvelles sur la guerre. Nous étions inquiets pour nos familles mais
c'était pire à N'Djaména qu'au centre du pays où se trouvaient nos
familles.
Aucune des personnes de la localité n'était
chrétienne, mais elles nous ont donné la liberté de tenir nos
cultes d'adoration. Il y avait aussi des jeunes gens venus du sud du
Nigeria pour travailler. Ils étaient aussi des chrétiennes et nous
avions nos cultes ensemble. Nous adorions Dieu et chantions chaque
dimanche. Les villageois venaient voir et écouter ce qui se passait.
Nous étions chaleureusement accueillis, et quand le moment était
arrivé pour nous de quitter, les villageois étaient très tristes.
Les femmes ont pleuré quand je leur ai dit que nous retournions au
Tchad.
Nous sommes retournés à N'Djaména pour un
temps, puis mon mari fut affecté à Bitkine. Il a travaillé
plusieurs années là-bas et en 1989 nous étions affectés à Mongo.
Pendant notre deuxième année, j'étais
élue présidente d'un groupe de femmes, nommée Femmes de Charité
des Assemblées Chrétiennes du Tchad. Mon temps s'est bien passé
sans problème à la présidence. C'est bien d'avoir un groupe de
femmes parce que les femmes jouent un rôle très important dans la
vie. Elles peuvent aider l'église dans toutes les circonstances.
Chaque vendredi nous visitions les femmes nouvelles, celles qui
viennent d'accoucher, ou celles qui ont eu un cas de décès dans leur
famille. Les dimanches soirs nous avons des rencontres
d'évangélisation. Les dirigeantes des rencontres se retrouvent tous
les mercredis.
Nous avons environ 40 femmes chaque dimanche
même si cela change. Je vois de nouveaux visages à chaque rencontre.
Nous sommes obligées de traduire parce que les femmes parlent en
différentes langues. Si le verset biblique se trouve dans l'Ancien
Testament nous le traduisons en arabe. Si le verset se trouve dans le
Nouveau Testament, nous ne sommes pas obligées de le traduire parce
que les femmes sudistes ont leur Nouveau Testament en sara et les
femmes de la localité ont leur Nouveau Testament en arabe.
Nous faisons aussi des sketches pour le programme de Noël. Nous
allons commencer à préparer pour Noël très tôt cette année! Nous
avons aussi des rencontres régionales des Femmes de Charité le
douzième jour de chaque troisième mois.
J'ai aussi travaillé pour Pain pour le Monde,
le développement rural. Je suis très occupée, mais j'aime aider mes
sœurs qui ne sont pas informées. Si quelqu'un connaît quelque
chose, il doit partager cela afin que les autres l'apprennent aussi.
J'ai sept enfants. Le premier est mort à
l'âge d'un mois. Le premier enfant est le plus difficile ici. J'ai
cinq frères et six sœurs. Un frère et une sœur étudient
maintenant pour être infirmiers.
Développement Villageois
Je suis aussi
un guide pour le développement villageois au compte de Pain pour le
Monde à Mongo. J'ai commencé dans le domaine de la santé, mais ce
projet a été supprimé, et maintenant nous travaillons dans le
domaine de l'agriculture. Nous allons en moto ou en voiture parce que
les cinq villages où je vais sont un peu loin et je ne veux pas
marcher pour y aller.
Dans chacun de ces villages, les femmes se
sont organisées et ont établis des règles à suivre. Elles se
rencontrent chaque lundi ou vendredi. Elles se retrouvent souvent chez
la présidente pour discuter et poser des questions. Toute femme est
libre de se joindre aux autres pour contribuer au développement du
village, et est aussi libre de se retirer du groupe comme elle le veut.
Si elle ne suit pas les règles établies, on peut lui demander de
quitter.
Nous enseignons maintenant aux femmes à
cultiver leurs champs d'arachides avec des ânes. Beaucoup de
personnes ici travaillent avec des bœufs. Ma famille a un bœuf. Cependant, il est plus difficile de travailler avec un
bœuf - et plus
dangereux puisqu'ils ont des cornes. Cela peut être difficile,
surtout pour une villageoise qui n'est pas habituée à faire ainsi.
Nous leur disons aussi de garder le tiers de
leur récolte pour les semences de l'année suivante. Une femme dira
souvent, "Mais ma récolte était si maigre l'année dernière et
je n'ai pas de semences." Je lui dis que ça m'est égal si un
tiers de récolte n'est pas plus qu'un verre de thé plein de semences.
Elle doit prendre encore ces semences et les attacher dans un vieil
habit ou autre chose et les mettre ailleurs pour l'année suivante.
Elle ne doit pas faire un repas avec ces grains. Autrefois les gens
savaient le faire mais maintenant, à cause de l'argent et des
produits importés, beaucoup de personnes vendent leurs semences et
n'ont rien à planter l'année suivante.
Les femmes nous écoutent et font ce que nous
leur disons de faire. Nous sommes souvent capables de les encourager.
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