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Sakarier

     

Pour vous donner un clin d'œil sur la situation des femmes au Tchad, nous vous présentons quelques témoignages personnelles des femmes tchadiennes de la région du Guéra, tirés du livre "Là où habitent les femmes", éditée par Renée Johns et Rachel Bokoro du Comité Central des Mennonites, en 1993.

     Sakarier est une très jolie jeune femme avec un sourire timide. Je ne l'ai pas connue avant d'arriver chez une amie pour la rencontrer et l'écouter me raconter son histoire. Pendant que les autres écoutaient et posaient des questions, elle partageait doucement les événements de sa vie.

     J'étais née à Mokoulou. Quand j'avais douze ans, nous avons déménagé pour Tchalon. A l'âge de quinze ans je me suis mariée à un homme de Mokoulou. Je n'ai pas vécu longtemps avec lui; il m'a renvoyée, et je suis repartie chez mes parents à Tchalon.
     Peu de temps après, j'ai connu un autre homme et je me suis remariée. Il était au service militaire et nous étions affectés à N'Djaména, puis Oum-Hadjer et Mangalmé. Nous avions vécu à Mangalmé pendant un an quand la guerre civile de 1979-80 a éclaté. Il y avait beaucoup de militaires là-bas. Ils ont attaqué Mangalmé à cinq heures du matin. Je venais d'accoucher mon premier enfant. Nous avions deux chambres et un grand abri (hangar) au milieu de la concession. Le hangar, étant couvert de nattes, a pris feu. Je suis sortie de ma case, le bébé en mains, et on m'a tiré dessus immédiatement. La balle a pénétré mon omoplate et est sortie sur la poitrine. Je suis tombé tout en me demandant ce qui se passait. Je ne sentais rien du tout, couché sur le sol.
     Les rebelles ont fui et la fusillade a cessé. Il y avait beaucoup de morts. Ils ont passé deux jours à enterrer les cadavres, le deuxième jour sous une grosse pluie. Ils ont rassemblé tous les soldats blessés et un avion militaire est venu les ramasser. Mon mari a demandé qu'ils me prennent aussi mais ils ont refusé, disant qu'une femme ne devait pas aller avec les militaires. Mon mari a décidé d'abandonner son poste pour prendre soin de moi. Cependant, parmi le reste des soldats, personne n'était autorisé de quitter son poste. Ainsi ils étaient obligés de me prendre avec les blessés.
     Après mon traitement je suis repartie à Mangalmé. Neuf jours plus tard, nous étions affectés à Bol et après plusieurs années là-bas nous sommes revenus à Tchalon.
     J'avais deux co-épouses. J'étais la deuxième des trois femmes. Il y avait parfois des problèmes entre nous. Par exemple les deux autres femmes étaient des Dangaléat. Parmi les Dangaléat les co-épouses préparent chacune leur repas et mangent séparément. Je suis Moukoulou et dans notre tradition les co-épouses préparent un repas et mangent ensemble.
     Alors, les deux autres femmes sont allées voir le marabout (dirigeant religieux musulman), et peu de temps après mon mari m'a renvoyée. Parmi les musulmanes on peut payer les marabouts pour faire du mal à son prochain. Par exemple une femme peut demander au marabout de rendre folle sa co-épouse ou un homme peut demander au marabout de lui faire des charmes pour qu'une femme l'aime beaucoup.
     J'ai élevé mes cinq enfants jusqu'à aujourd'hui. Dieu était avec moi dans mes difficultés. Mon père était malade d'une maladie jetée sur lui comme un sort et il était habité par des fourmis. Puis il y avait en 1974 une sécheresse et nous avons mangé des feuilles de savonnier.
     Mon mari est Dangaléat et chez les Dangaléat les hommes cultivent le mil tandis que les femmes cultivent les arachides, le sésame, le gombo, etc. Par contre chez les Moukoulou le couple travaille ensemble dans tous les domaines.
     Chez les musulmanes on doit prier cinq fois par jour: très tôt le matin (autour de 4h du matin); à 13h; 15h; 18h et 19h. On doit également jeûner un mois (le mois de Ramadan) sans manger pendant le jour.

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  Pour le moment, la majorité des témoignages qu'on a pu recueillir viennent des femmes tchadiennes au Guéra. Les femmes tchadiennes partout dans le monde (surtout au sud et à l'est du pays, ainsi qu'à l'étranger) sont invitées à nous envoyer leur témoignage personnelle de ce que c'est vraiment d'être femme tchadienne...  
   

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