Sakarier est une très
jolie jeune femme avec un sourire timide. Je ne l'ai pas connue avant
d'arriver chez une amie pour la rencontrer et l'écouter me raconter son histoire. Pendant que les autres écoutaient et posaient des
questions, elle partageait doucement les événements de sa vie.
J'étais née à Mokoulou. Quand j'avais
douze ans, nous avons déménagé pour Tchalon. A l'âge de quinze ans
je me suis mariée à un homme de Mokoulou. Je n'ai pas vécu
longtemps avec lui; il m'a renvoyée, et je suis repartie chez mes
parents à Tchalon.
Peu de temps après, j'ai connu un autre
homme et je me suis remariée. Il était au service militaire et nous
étions affectés à N'Djaména, puis Oum-Hadjer et Mangalmé. Nous
avions vécu à Mangalmé pendant un an quand la guerre civile de
1979-80 a éclaté. Il y avait beaucoup de militaires là-bas. Ils ont
attaqué Mangalmé à cinq heures du matin. Je venais d'accoucher mon
premier enfant. Nous avions deux chambres et un grand abri (hangar) au
milieu de la concession. Le hangar, étant couvert de nattes, a pris
feu. Je suis sortie de ma case, le bébé en mains, et on m'a tiré
dessus immédiatement. La balle a pénétré mon omoplate et est
sortie sur la poitrine. Je suis tombé tout en me demandant ce qui se
passait. Je ne sentais rien du tout, couché sur le sol.
Les rebelles ont fui et la fusillade a
cessé. Il y avait beaucoup de morts. Ils ont passé deux jours à
enterrer les cadavres, le deuxième jour sous une grosse pluie. Ils
ont rassemblé tous les soldats blessés et un avion militaire est
venu les ramasser. Mon mari a demandé qu'ils me prennent aussi mais
ils ont refusé, disant qu'une femme ne devait pas aller avec les
militaires. Mon mari a décidé d'abandonner son poste pour prendre
soin de moi. Cependant, parmi le reste des soldats, personne n'était
autorisé de quitter son poste. Ainsi ils étaient obligés de me
prendre avec les blessés.
Après mon traitement je suis repartie à
Mangalmé. Neuf jours plus tard, nous étions affectés à Bol et
après plusieurs années là-bas nous sommes revenus à Tchalon.
J'avais deux co-épouses. J'étais la
deuxième des trois femmes. Il y avait parfois des problèmes entre
nous. Par exemple les deux autres femmes étaient des Dangaléat.
Parmi les Dangaléat les co-épouses préparent chacune leur repas et
mangent séparément. Je suis Moukoulou et dans notre tradition les
co-épouses préparent un repas et mangent ensemble.
Alors, les deux autres femmes sont allées
voir le marabout (dirigeant religieux musulman), et peu de temps
après mon mari m'a renvoyée. Parmi les musulmanes on peut payer les
marabouts pour faire du mal à son prochain. Par exemple une femme
peut demander au marabout de rendre folle sa co-épouse ou un homme
peut demander au marabout de lui faire des charmes pour qu'une femme
l'aime beaucoup.
J'ai élevé mes cinq enfants jusqu'à
aujourd'hui. Dieu était avec moi dans mes difficultés. Mon père
était malade d'une maladie jetée sur lui comme un sort et il était
habité par des fourmis. Puis il y avait en 1974 une sécheresse et
nous avons mangé des feuilles de savonnier.
Mon mari est Dangaléat et chez les
Dangaléat les hommes cultivent le mil tandis que les femmes cultivent
les arachides, le sésame, le gombo, etc. Par contre chez les
Moukoulou le couple travaille ensemble dans tous les domaines.
Chez les musulmanes on doit prier cinq fois
par jour: très tôt le matin (autour de 4h du matin); à 13h; 15h;
18h et 19h. On doit également jeûner un mois (le mois de Ramadan)
sans manger pendant le jour.
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